Un nom de domaine est un signe distinctif au même titre qu’une dénomination sociale, un nom commercial ou une enseigne.

Au même titre que les autres signes distinctifs, un nom de domaine peut être protégé au titre de l’action en concurrence déloyale sur le fondement de l’article 1240 du code civil (anciennement article 1382 du code civil).

L’antériorité du nom de domaine ne s’apprécie pas uniquement au regard de la date d’enregistrement mais au regard de sa date effective d’exploitation. Cette condition découle d’une jurisprudence établie en la matière depuis les années 2000 (l’un des premiers arrêts CA Paris, 14ème ch. sect. A, 18 oct. 2000 n° 2000/09406).

L’enregistrement d’un nom de domaine n’est soumis à aucune condition d’originalité ou de distinctivité.

C’est d’ailleurs souvent le dilemme auquel est confronté le créateur ou porteur de projet qui est partagé entre l’envie de trouver un nom de domaine évocateur voire descriptif afin notamment de faciliter le référencement sur Internet et la volonté de le protéger aussi en tant que marque qui elle, est soumise à un critère de distinctivité.

Ce critère est défini à l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle:

« Le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés.

Sont dépourvus de caractère distinctif :

a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;

b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service

c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.

Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l’usage ».

Dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 décembre 2016, il s’agit de la société Pressimo On Ligne qui avait enregistré les noms de domaine « lacoteimmo.fr » et « lacoteimmo.com » ainsi que la marque française « Lacoteimmo ».

La société Pressimo a assigné la société La Cote immobilière en contrefaçon de sa marque mais aussi en concurrence déloyale et parasitaire pour l’utilisation du nom de domaine « lacotimmo.net ».

La cour d’appel de Paris a considéré que :

« quand bien même chacun de ces noms de domaine renverrait à des activités de même nature ou complémentaires, il y a lieu de considérer que le nom de domaine revendiqué doit présenter un caractère distinctif, faute de quoi il ne peut prétendre avoir un rôle d’identification de services provenant d’une entreprise particulière et être protégé de concurrents faisant simplement usage d’un nom de domaine usuel, nécessaire ou descriptif« .

Or, la Cour de cassation (sur pourvoi de la société Pressimo) casse l’arrêt  au motif que :

 » l’action en concurrence déloyale étant ouverte à celui qui ne peut se prévaloir d’un droit privatif, le caractère original ou distinctif des éléments dont la reprise est incriminée n’est pas une condition de son bien fondé, mais un facteur susceptible d’être pertinent pour l’examen d’un risque de confusion« .

La Cour de cassation ne fait que rappeler, ici, une jurisprudence constante sur le fait que l’action en concurrence déloyale est ouverte à toute personne ne bénéficiant pas d’un droit privatif.

Or, le fait d’imposer une condition d’originalité (droit d’auteur) ou une condition de distinctivité (marque) revient à conditionner l’action en concurrence déloyale à la preuve d’un droit privatif!

Cependant, cela ne signifie pas, pour autant, que dans le cadre de l’appréciation de l’existence ou non d’un risque de confusion (action en concurrence déloyale) ou du parasitisme, l’originalité ou la distinctivité du nom de domaine ne sera pas prise en compte, bien au contraire.

Il est certain que plus un nom de domaine sera original ou distinctif, plus le choix par un concurrent d’un nom de domaine identique ou similaire ne pourra être justifié par l’activité ou le caractère usuel du nom de domaine.

Cass. com, 6 dec. 2016, n° 15-18470

03.03.2017